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Service public télévisuel régional 2021 – 2023 - Pierre Durand

Monsieur le Président, Chers Collègues,

Cette délibération nous plonge toujours dans la perplexité, tant sont délicates les relations entre les médias et toute institution, malgré la vigilance du CSA.

 

La frontière qui limite la nécessaire indépendance des médias et la tentation de tout pouvoir, d’exercer un contrôle de l’information en contrepartie de son aide, reste bien fragile.

 

Cette délibération que vous nous soumettez ne nous rassure pas totalement et ne dissipe pas notre embarras quand il s’agit de prendre position.

 

Pourtant loin de nous, la volonté de jeter la suspicion sur les accords contractuels qui gèrent les relations entre les chaines du service public télévisuel régionale et notre Région.

 

Nous souhaitons toutefois soulever plusieurs points de vigilance.

 

Tout d’abord, rappeler que depuis de nombreuses années, les chaines télévisuelles régionales dépendent étroitement du soutien de la Région. Cela est aussi vrai pour la presse. Nous rappellerons les fortes réserves exprimées par Virginie Calmels lors de la dernière campagne électorale sur l’effort financier supplémentaire consenti par la Région au bénéfice du journal Sud Ouest, alors en grandes difficultés.

Venons en à TV 7, pour constater et nous inquiéter que sans notre indéfectible soutien cette chaîne aurait disparu et ne pourrait toujours pas survivre aujourd’hui. Que penser en effet, quand on remarque en se basant sur 2018 qui est la dernière année connue, que notre subvention annuelle (1,3 M€) est égale au chiffre d’affaire annuel de la chaîne.

Sommes-nous toujours dans l’accompagnement ou plus clairement sommes nous les gestionnaires de fait de cette entreprise ?

La question mérite d’être posée surtout quand l’Appel à Manifestation d’intérêt (AMI) précise que « la compensation, sous entendu financière, « ne saurait en aucun cas être assimilée à une aide au fonctionnement de la structure. »

Outre une situation qui n’est pas saine, nous souhaiterions savoir si la situation financière particulière à chaque chaîne est prise en considération au moment du choix de la chaîne partenaire et du montant de la compensation financière allouée ?

 

Le deuxième point que nous entendons souligner concerne les moyens financiers alloués par la Région pour cette nouvelle période de 3 ans de 2021 à 2023, lesquels sont en hausse de 150 150 € alors que la situation Covid nous impose un exercice budgétaire périlleux. Cette hausse profite à FR 3 (+114 000€), à Kanaldude (+ 61 400 €) et Octele (+ 171 000 €) lesquelles ont dû probablement par ailleurs bénéficier des différends dispositifs d’aides déclenchés par la pandémie.

 

Le troisième point, sur les modalités de contrôle de la bonne exécution du COM, pourrions nous disposer d’un bilan plus approfondi de l’exécution du service ? En effet, le bilan étape inscrit dans la délibération reste succinct et peu chiffré.

 

Enfin, pour revenir sur nos interrogations du début de mon propos, c’est la question éthique qui nous soucie le plus.

Il nous paraîtrait plus souhaitable que ces Contrats d’Objectifs et de Moyens (COM) ne se décident pas en fin de l’année qui précède l’élection mais soient laissés à l’appréciation de la nouvelle Assemblée élue et au nouvel exécutif. Cela aurait le mérite de lever toute ambiguïté !

Mais, ne sort-on pas de l’ambiguïté qu’à son détriment, comme l’avait théorisé le Cardinal de Retz, avant que cette citation ne soit attribuée à François Mitterrand…

Les uns ont un besoin vital d’une aide financière de la Région et les autres peuvent toujours penser qu’ils pourraient bénéficier d’un traitement approprié dans les commentaires des actions politiques qu’ils portent.

Et cela devient franchement préoccupant quand on est le témoin en Commission 7 où a été présentée cette délibération, d’un échange ubuesque entre élues de votre majorité s’interrogeant ouvertement sur, je cite : « les moyens coercitifs » dont la Région pourrait disposer pour « renverser les inégalités Homme/Femme » ou encore pour combattre « les stéréotypes de genre ». Plus généralement, pour peser sur la ligne éditoriale de nos chaînes de télé partenaires. Le florilège de bonnes paroles ne s’est pas arrêté là. Pour poursuivre sur : « Il ne faut pas tacler les médias, mais les évangéliser ». Vous m’avez bien entendu ! Evangéliser. Venant d’autres rangs dans cet hémicycle, cela soulèverait un tollé. Avant que les élues de votre majorité ne se reprennent par la voix des plus prudentes d’entre elles : « Non, on ne peut pas être directif à 100% », préférant « porter des images qui fassent bouger les lignes.. ». J’arrête là, car se poser ce genre de questions est édifiant et traduit en tout cas cette irrépressible tentation de vouloir faire des médias des vecteurs de propagande. Elles me pardonneront de faire état de cette discussion surréaliste, mais avouez qu’elle est de nature à nourrir sérieusement nos doutes.

Alors rassurez nous Monsieur le Président, vous qui êtes un démocrate et un homme de principes, dites-nous qu’il ne vous est jamais arrivé de penser, ni même d’agir pour vous attirer les bonnes grâces des médias en compensation de l’aide de la Région.

D’ailleurs ce serait contradictoire avec la présence chaque samedi de la gauche aux côtés de certaines ONG et des journalistes dans les manifestations contre les lois du gouvernement Macron considérées comme liberticides. Ce serait totalement schizophrénique ! de frapper le pavé en brandissant des pancartes au nom de la liberté d’expression des médias et en même temps de penser « aux moyens coercitifs » pour imposer aux médias des sujets illustrant votre politique.  

Dites-nous que l’on s’égare ! Que nous sommes paranoïaques ! Que cette incitation à faire des médias des portes parole, ne vient pas de vos rangs. Pas de ceux qui ne manquent jamais l’occasion de donner des leçons de morale ou de s’indigner lorsque on prononce le mot de censure ou que l’on parle de télévision d’Etat.

 

Nous ne voulons accabler personne, juste croire que dans ce monde d’Après dans lequel nous essayons de nous projeter comme on avance dans un épais brouillard, que l’esprit de tolérance cher à Montaigne qui fit honneur à notre région et à la ville de Bordeaux dont il fut l’illustre maire, que cet esprit bienveillant imprègne nos débats.

Si l’on ne dit pas ces choses là à Noël, quand les dit-on ?

 

Malgré toutes ces réserves, notre groupe votera favorablement cette délibération. »