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Schéma Régional de l'eau - Eddie Puyjalon

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Monsieur le Président, Chers collègues,

La déclinaison stratégique de la politique régionale de l'eau en Nouvelle-Aquitaine relève d'une importance majeure.

Le code de l'environnement hiérarchise ses usages avec en premier lieu celui de la santé, de la salubrité publique et de l'alimentation en eau potable, puis la préservation de la vie aquatique et du libre écoulement des eaux et enfin la satisfaction des usages économiques et de loisirs (agriculteurs, chasseurs, pêcheurs, nautisme, etc.).

Nous avons là, les principales sources de conflit d'usage et probablement, l'un des deux enjeux majeurs, avec celui de la qualité des milieux aquatiques.

A juste titre, le choix de la région de travailler à l'échelle des bassins versants est cohérent, car à l'évidence nous ne pouvons comparer la situation du Limousin avec celle des Landes.

De même, notre groupe relève avec satisfaction le choix d'inscrire le maintien de l'agriculture sur certaines zones avec la possibilité de projets de stockage de l'eau hivernale pour éviter de prélever en période sèche. C’est une mesure de bon sens, Monsieur le Président. D'autant que le monde ostréicole a besoin d'eau douce, mais en continu et pas de façon excessive notamment à certaines saisons. Pouvoir capter une partie de l'eau lorsqu'elle est là en grande quantité quand les niveaux des nappes sont à un bon niveau, reste du pragmatisme et du bon sens paysan! Notamment en ayant une politique de suivi des nappes comme sur le territoire d'ex Poitou-Charentes avec une bonne couverture de piésiomètres en relation avec l'ARB-NA. Évidemment l'élaboration du STRADET sera l'occasion de finaliser ce travail de concertation et de consensus sur la gestion de l'eau entre tous les utilisateurs.

Dans votre introduction, le propos demande à être corrigé. Plusieurs acteurs font cruellement défaut et je citerais en premier lieu dans les acteurs de l'eau les pêcheurs et les chasseurs -   notamment de gibier d'eau - dont nous savons les masses nécessaires au maintien de cette pratique, mais aussi ses bienfaits sur la biodiversité et sur le stockage de l'eau. Je félicite néanmoins la région et les services pour avoir inscrit clairement les perturbateurs endocriniens en page 11.

Je déplore toutefois que vous y citiez plus facilement l'agriculture pour les nitrates que la collectivité pour les stations d'épuration et que vous ne mentionniez pas clairement l'indispensable diagnostic de ces rejets majeurs dans nos cours d'eau.

En page 18 vous abordez la qualité de l'eau et celle engendrée par les stations des agglomérations et de l'habitat non raccordé à l'assainissement collectif et vous rajoutez qu'on observe une tendance à la stabilité ou à une amélioration progressive de la situation sur le bassin Adour-Garonne. J'aimerais avoir le document qui fait référence aux études quantitatives, aux molécules étudiées et quantifiées et l'analyse des raisons de ce constat.

À moins que vous ne fassiez que référence aux pesticides et aux nitrates ce qui serait préjudiciable à la bonne compréhension de votre écrit !

Permettez-moi, Monsieur le Président, d'être peu convaincu de la baisse de concentration des perturbateurs endocriniens dans les milieux aquatiques de la région Nouvelle-Aquitaine. Je vous rappelle que la majorité des stations d’épuration sont sur des cours d'eau et qu'elles relarguent systématiquement l’ensemble des perturbateurs endocriniens. Ce sont les sources principales d'altération des capacités reproductrices de la faune aquatique et terrestre.

Je rappelle qu'on retrouve une partie de ces perturbateurs dans notre eau potable. J'invite vos services à s'intéresser à l'épigénétique qui éclairera un peu plus notre assemblée sur les enjeux majeurs de cette science. La bonne nouvelle étant que l'action des perturbateurs endocriniens sur les cellules des êtres vivants reste réversible puisqu'il ne touche pas à la structure de l'ADN.

Vous abordez en page 32 les ouvrages de stockage de substitution et ceux qui ne viennent pas en substitution. Là, vous précisez les cultures à forte valeur ajoutée et créatrices d'emplois : cultures spécialisées, vergers, maraîchage, polyculture élevage, pour reprendre la partie gestion par bassin. Il ne faut pas oublier les spécificités locales comme celle de la filière gras associée à la culture du maïs qui est pratiquée en circuit court et soumise à des normes environnementales sur ces zones à fortes valeurs ajoutées et en nombre d'emplois directs.

Page 34, dans « constat et enjeux », vous citez les rejets polluants, en particulier nitrates et pesticides, en ciblant le monde agricole et juste après médicaments et micro-polluants en zones périurbaines (d'ailleurs deux fois à la suite).

Or, il s'agit là de pollution sur l'ensemble du territoire urbain, périurbain et rural. Toutes les stations d'épuration, bien souvent sous-dimensionnées, relarguent en permanence ces polluants. La majorité d’entre elles sont dans des zones inondables   ! Là encore vous êtes frileux et incomplet dans vos écrits !

Page 37 vous aborder la continuité écologique et la prédation des silures. L'évidence, Monsieur le Président c'est qu'il y a un problème de plus en plus important avec des silures dépassant aujourd'hui les 2m50 et les 90 kg. Sauf à être naïf, ce genre de spécimen ne consomme pas de simples ablettes !

Vous abordez sur cette même page la fonctionnalité des zones humides… Là aussi il y a beaucoup à faire !

Récemment la zone humide des marais mouillés de Marans au nord de la Charente-Maritime en pleine Venise verte, a fait la une des journaux pour la gestion particulière de l'organe de gestion des niveaux d'eau sur près de 14.300 hectares, répartis sur trois départements.

Depuis deux ans, sans en informer usagers, les services de l'État ont fait baisser de près de 28 cm les niveaux d'eau dans cette zone, impactant l'activité touristique avec les bateliers, la reproduction piscicole, l'attractivité pour la faune, la chasse, la pêche, l’accès à l'eau pour l'élevage.

Là encore, il s'agit de plusieurs enjeux majeurs dans cet exemple : celui du maintien de la fonctionnalité des zones humides, celui du maintien de l'élevage et il faudra des aides supplémentaires pour cette activité ! Il n'est pas acceptable de baisser les niveaux d'eau de ces zones humides remarquables pour en filigrane permettre une possible reconversion du modèle agricole dans ces zones-là.

C'est tout le contraire qu'il faut élaborer, avec une véritable politique de maintien de l'élevage et des zones humides dans notre région !

Lorsque vous abordez les populations de poissons migrateurs, je ne suis pas certain que vos services aient raison de prioriser les obstacles à la migration face à celle de la qualité des milieux. Il existe des frayères non soumises à obstacle et qui ont perdu leurs poissons migrateurs.

Le cas de la grande alose interdite à la pêche dans nos rivières Dordogne et Garonne en reste un exemple flagrant ! On ne la pêche plus en eau douce, mais maintenant en mer et à l'entrée des estuaires, car l'interdiction de sa pêche sur la Dordogne et la Garonne à fait exploser le prix au kg sur les étals.

Vous avez raison d'associer les structures de la pêche de loisir et je vous invite à ne pas oublier la pêche récréative en mer qui elle aussi reste non négligeable pour son impact économique pour la région.

Évidemment dans la déclinaison opérationnelle, page 46, je ne peux que me réjouir de l'engagement à faire progresser la connaissance sur les polluants à enjeux pour la santé, substances émergentes et risques associés, les pesticides, les perturbateurs endocriniens et leur diffusion. Nous le savons, les molécules de synthèse ne se dégradent pas dans nos milieux aquatiques et agissent directement ou par des effets cocktails sur le vivant !

La fiche action n°1 du PRSE3 visant à améliorer la connaissance sur les expositions aux pesticides et aux autres perturbateurs endocriniens est importante et la fiche action N°6 soutenant un appel à projets pour une recherche multidisciplinaire afin d’éclairer les décideurs publics en lien avec les perturbateurs endocriniens est une excellente nouvelle !

Je corrigerais volontiers la fin de de la rédaction de cet article, non pas en mentionnant que le champ de l'homme dans cette étude pourrait être étendu aux effets dans les milieux aquatiques, mais par doit-être étendu, car c'est un facteur majeur de la dégradation des milieux. Toute votre politique de reconquête des milieux et de la biodiversité y reste conditionnée ! Vous pouvez toujours rétablir la continuité écologique et empêcher les vaches de piétiner les berges, si vous ne vous attaquez pas aux racines de la pollution alors la reconquête de la biodiversité dans les milieux aquatiques ne restera qu'un vœu pieux !

Enfin, Monsieur le Président, dans votre règlement d'intervention, vous conditionnez vos aides à de nombreux critères. Vous citez le rétablissement de la continuité écologique, la restauration morphologique des cours d'eau et bien d'autres sujets pertinents comme les espèces exotiques envahissantes, la restauration des populations de poissons migrateurs. Pour autant, je ne vois rien sur une approche coercitive concernant la mise en place de nouvelles stations de traitement des eaux usées, voire de stratégie de traitements partagés dans des bassins industriels, pas plus que d'objectif clairement établi sur ce sujet d'importance pour la qualité des milieux.

Même si votre stratégie de l'eau dans ce document va dans le bon sens, si sa nouvelle dimension incorporant pour la première fois les perturbateurs endocriniens est une bonne nouvelle, il reste quelques lacunes et frilosités, tant sur la qualité que sur le partage de la ressource, aussi notre groupe s'abstiendra positivement sur cette délibération !