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NéoTerra - Une écologie juste et humaine - Alexandra Siarri

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 Comment garantir à tous les néo aquitains de vivre en bonne santé et en sécurité le plus longtemps possible ? C’est finalement à cette question essentielle et existentielle que votre feuille de route NEO TERRA est sensée répondre. Elle doit nous permettre de tracer une voie nouvelle car celle que nous empruntons actuellement ne garantit plus ni la santé, ni la sécurité pour tous.

J’utilise à dessein les références « à la santé » comme « à la sécurité » et « aux humains » pour articuler la contribution de notre groupe à ce débat. Il faut nous obliger à parler de façon simple pour que tous les citoyens nous comprennent et s’impliquent. L’écologie, le développement durable, la croissance verte, ou à contrario la décroissance, sont perçues exclusivement comme des idéologies qui nous divisent de façon caricaturale, alors que ce qui compte désormais le plus c’est que nous sommes enfin majoritairement convaincus de l’urgence de la situation.

  • Je fais donc référence à la santé et à la sécurité d’abord car le manque d’eau, d’air sain, la survenance d’évènements météorologiques traumatiques de plus en plus imprévisibles, détériorent le capital santé de tout être vivant. Les très jeunes, les très vieux, les très pauvres sont particulièrement exposés. La santé est notre bien le plus précieux. Commercer, entreprendre, travailler et même aimer, dépendent de notre capital santé.
  • Aux humains ensuite car, ne nous trompons surtout pas, le vivant ne disparaîtra pas de la planète et ce, quel que soit le niveau de température enregistré. Des espèces disparaîtront, notamment celles qui ne pourront pas se déplacer sur de nouveaux territoires adaptés à leur condition de survie, mais d’autres dans de nouvelles alliances survivront. L’humain, lui, dans cette reformulation inéluctable de la chaîne du vivant, pourrait disparaître, s’il ne prend pas la mesure de sa vulnérabilité.

Enfin, nous devons collectivement surmonter un double défi : celui de nous adapter à des mutations inéluctables et celui d’éviter que ces dernières soient beaucoup trop radicales. S’adapter à un nouveau contexte et éviter que l’actuel ne se dégrade trop vite, sont deux logiques différentes, notamment pour les équipes de recherche et de développement pour les institutions et in fine, pour la population.

Nous devons pourtant nous y engager résolument.

Avant de rentrer plus avant dans le détail, je souhaiterais faire référence au premier rapport du Haut Conseil du climat, même s’il ne traite qu’une partie de notre feuille de route. Les conclusions sont très claires : la France n’emprunte pas le bon chemin.

La Présidente de ce Haut Conseil, Madame Corinne Le Querré l’a récemment confirmé : « La France n’est pas sur une trajectoire d’émission de gaz à effet de serre compatible avec ses engagements internationaux. Les premiers efforts fournis sont réels mais ils sont nettement insuffisants et n’ont pas produit les résultats attendus ». Le constat est accablant d’autant que les marches à franchir sont de plus en plus hautes. Par exemple, il va falloir tripler la baisse annuelle des émissions de CO2 d’ici à 2025.

Ce constat accablant s’établit en tout domaine : l’émission de nos gaz à effet de serre augmentent, notre biodiversité chute, nos ressources en eau se réduisent.

Votre feuille de route régionale est donc d’autant plus stratégique dans ce contexte national inquiétant. C’est pourquoi notre groupe a participé à vos travaux, pleinement conscient de la nécessité absolue d’engager enfin des politiques régionales, à la hauteur de l’urgence. M. le Président, vous agissez en responsabilité en tant que chef de file, vous faites ce que vous devez faire en nous proposant cette feuille de route. Ce que vous avez fait jusqu’alors était insuffisant. Et dans l’absolu cette ambition nous est présentée très tard. Vous êtes Président depuis 2000, ou trop tôt, puisque le débat aujourd’hui ne porte sur aucune fiche pratique de mise en œuvre.

Caroline Calbo, votre collaboratrice que je voudrais, elle et son équipe, remercier ici pour son travail a, avec humilité, reconnu, lors de la tenue des commissions réunies la semaine dernière que cette feuille de route était perfectible. M. Jean-Louis Numbrini, votre Vice-Président nous a exhorté lui, lors de la même réunion, à ne pas « tourner autour du pot », à « prendre la mesure de la gravité de la situation » à ne pas nous réfugier derrière notre « défaut de compétence » sur certaines politiques. Il avait entièrement raison et je vais suivre son conseil avisé.

A/ M. le Président, vous devez assurer la compatibilité et la synchronisation de nos politiques régionales avec cette feuille de route. C’est seulement quand cette feuille de route sera opérationnelle que nous pourrons vraiment juger l’opérationnalité de votre ambition. En l’état, on comprend confusément les liens avec le STRADETT et il n’y a pas de référence claire et formelle dans cette feuille de route à chacune de vos politiques publiques régionales. (On ne retrouve par exemple ni la référence au COPTEC, notre conseil permanent de la transition énergétique et du climat, ni la convention cadre Etat / Région Nouvelle Aquitaine pour la reconquête de la biodiversité).

B/ Vous devez renforcer dès à présent les instruments vérifiant l’efficience de nos dépenses, la justice sociale et la transparence de nos politiques publiques au regard de nos nouvelles ambitions climatiques et de préservation de la biodiversité.

Depuis longtemps je le dis : nous manquons d’outils d’évaluation. Prenons un sujet simple mais vital : l’eau. Combien de pourcentage d’eau recyclons-nous en Nouvelle Aquitaine ? Comment le mesurer en temps réel ? Le faire savoir pour le corriger ? Dans un autre registre, nombre d’actions visant la réduction d’émission des gaz à effet de serre apportent en pratique peu de résultats. Ce système d’évaluation nous permettrait de ne jamais nous illusionner.

C/ Vous devez identifier et mettre en place les changements structurels pour préparer l’économie régionale et la société civile à la transition.

Pour massifier notre action par-delà la mise en œuvre de politiques ambitieuses déclenchantes, il faut l’implication de tous.

Rappelons-nous quelques éléments du grand débat susceptibles d’éclairer les enjeux de l’implication de la société civile :

  • « Conscience forte du changement climatique et un large potentiel d’implication.
  • Les contributions en ligne montrent que les deux préoccupations environnementales les plus importantes après le changement climatique, sont la biodiversité et la pollution.
  • Pour lutter contre le changement climatique l’amélioration des transports publics est particulièrement plébiscitée.
  • Le grand débat fait apparaître la réticence envers la taxation environnementale mais la taxe environnementale aux frontières est populaire ».

Cette implication indispensable de la société civile passera par trois biais selon nous :

  • Il nous faut intégrer systématiquement les connaissances sur le changement climatique dans tous les systèmes d’éducation et de formation tout au long de la vie. Cela apparaît sur certaines fiches et défis mais pas tous.
  • Nous devons prioriser certaines actions. La protection de l’eau et du vivant conditionne tout le reste. Qu’ils soient agricoles, industriels ou domestiques, les prélèvements d’eau en Nouvelle Aquitaine sont trop importants au regard de l’eau disponible. En moyenne un Français consomme 130 L d’eau par jour. Un néo aquitain 152 L. Le travail de sensibilisation est donc majeur.
  • Vous devez assurer une transition JUSTE. Pour que nos actions soient durablement soutenues par l’ensemble de la société, il faut que la transition et la dynamique que nous souhaitons développer soient perçues comme juste. Or, les agriculteurs, les ruraux et les classes moyennes pourraient en lisant cette feuille de route se sentir soit visés comme boucs émissaires, soit oubliés. Nous devons au contraire rassembler en mettant en avant dans nos messages, toutes les sources d’économies, de la matière (énergie, eau, denrées, métaux) comme du pouvoir d’achat. Nous pensons à ce sujet, qu’il faut soutenir toutes les formes d’innovation et de technologie qui peuvent nous permettre d’avancer avec une vigilance aigue sur la limitation des ressources en métaux rares sur lesquels reposent les technologies vertes et numériques. Ne nous trompons pas là encore, sans quoi la violence sera au rendez-vous.

Je m’attarderai sur deux petits exemples de votre document qui démontrent que nous sommes encore un peu petit braquet.

Monsieur le Président, lors du mandat précédent, vous nous aviez fait voter avec votre conseillère régionale Peggy Kancal, le défi un pour 1000 telle était votre promesse : un aquitain sur 1000 devait être sensibilisé. Et finalement, qu’en est-il ? Et dans cette feuille de route, aujourd’hui vous évoquez l’hypothèse de 100% des habitants d’ici 2030 ; ce vœu pour ne pas être pieu, ne peut pas se réduire par l’implication de la jeunesse notamment étudiante et lycéenne.

Pour les entreprises (p 58), vous précisez comme propositions marquantes votre intention d’accompagner 900 entreprises dans leurs transformations entre 2000 et 2022, ce qui représente 0,05 % des 616 000 entreprises de la Nouvelle Aquitaine.

C/ Vous devez articuler la stratégie régionale à toutes les échelles. Il n’y a pas d’indication dans cette feuille de route sur la stratégie d’implication d’autres collectivités infra régionales. Comment vont-elles ou peuvent-elles s’approprier ce document ? Comment va-t-on harmoniser les méthodes de travail à promouvoir et l’implication des citoyens par la répétition de nos messages communs ? Ce qui est vrai pour la collectivité sera vrai pour chaque filière. (p 42, la Région accompagnera les collectivités et entreprises locales et mettra en place des outils d’ingénierie territoriale).

En conclusion, nous ne voterons pas tous, dans notre groupe, favorablement. Nous incarnons le trouble de la société civile face à l’institution régionale, chef de file en charge de l’urgence écologique. Depuis longtemps, vous revendiquez faire beaucoup, mais cette feuille de route finalement démontre que tout cela était largement insuffisant. Certains dans le groupe vous accordent le bénéfice du doute pour la suite, j’en suis, avec espoir, d’autres ne l’ont pas souhaité.