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NéoTerra - Agriculture- Daniel Sauvaitre

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Un contrat de confiance avec les agriculteurs.

La feuille de route NéoTerra fixe un cap ambitieux pour l’agriculture. Elle doit devenir résolument agro écologique, assurer des productions de qualité en plus que d’être neutre en émission de gaz à effet de serre. Et si possible, on attend plutôt qu’elle absorbe le CO2 en excès d’ans l’atmosphère.

L’agriculture doit en plus continuer de s’affirmer comme une économie prospère et rémunératrice en Nouvelle Aquitaine. Elle doit motiver des jeunes à s’installer afin d’assurer les reprises ou les transmissions d’exploitations. Et ceci en assez grand nombre pour limiter les agrandissements de fermes et la simplification des systèmes qui s’ensuit le plus souvent.

Notre groupe partage bien évidemment ces orientations pour notre agriculture. Mais le plus important, c’est que les agriculteurs eux-mêmes soient engagés sur cette voie. Et pour nombre d’entre eux, ils le sont depuis bien longtemps.

Il suffit de se pencher d’assez près sur chacune des filières des productions agricoles de Nouvelle Aquitaine pour s’apercevoir qu’elles sont toutes au travail pour définir des itinéraires techniques qui concilient l’ensemble des paramètres du développement durable, parmi lesquels l’incontournable performance économique.

De la recherche jusqu’aux champs, en passant par les centres d’expérimentation, les techniciens de terrain et les agriculteurs, dans le respect de réglementations sans cesse plus contraignantes, sous la contrainte de marchés sans cesse plus exigeants, le monde agricole est en évolution permanente et tend vers son optimum agro écologique.

L’équation agronomique à résoudre est nécessairement complexe puisqu’à la fin des fins il faut que la ferme  assure aussi un compte de résultat positif pour pérenniser son activité. La maîtrise de tous les risques est donc nécessairement une préoccupation permanente de l’agriculteur qui doit obtenir des récoltes régulières en quantité et en qualité au regard des exigences du marché.  

Le gel, la grêle, les excès d’eau comme la sécheresse, les brulures du soleil et bien sûr la fertilité des sols comme les maladies et les ravageurs, tout doit être sous contrôle autant que faire se peut.  

L’Organisation Internationale de la Lutte Biologique (OILB) a défini dès le début des années 70 la voie à suivre. Ce qui s’appelait alors production intégrée a pris pour nom aujourd’hui d’agro écologie. Mais il s’agit toujours de rechercher la maîtrise de toutes les interactions naturelles en s’associant le concours des prédateurs et des auxiliaires pour avoir un sol vivant et contrôler autant que possible les maladies et ravageurs. Ce n’est qu’en dernier recours, lorsque les équilibres sont rompus ou menacent de l’être que des interventions avec des fertilisants ou des produits phytosanitaires naturels ou de synthèse peuvent avoir lieu pour assurer les récoltes.

Les performances au regard de cet objectif sont diverses selon les agriculteurs. Mais la quête perdure parce qu’agro écologie optimisée et réussite économique vont de pair à long terme.   

Si l’on en croit d’ailleurs le classement international publié par The Economist, sur le fondement de 40 indicateurs de durabilité, le système agricole français l’emporte devant 67 autres pays étudiés. La France se classe aussi à la 9ème place en Europe dans le sens décroissant pour l’utilisation par hectare de produits phytosanitaires. Quand on se regarde on s’inquiète, quand on se compare, on se rassure.

Les progrès à faire en agro-écologie sont évidemment sans fin. De la génétique, en passant par le bio-contrôle ou les protections physiques pour contrôler les maladies et ravageurs, les voies d’amélioration sont multiples. L’augmentation de la fertilité des sols en les rendant plus vivants ouvre aussi toujours de belles perspectives.

Pour autant cette amélioration progressive dans laquelle l’agriculture de Nouvelle Aquitaine est engagée est perçue comme très insuffisante et bien trop lente dans l’état des lieux qui est fait dans cette feuille de route NéoTerra.

Et c’est donc à une nette accélération de l’orientation agro écologique qu’elle nous invite. Avec aussi la contrainte d’être au moins neutre rapidement en termes d’émissions de gaz à effet de serre.

Et pour cela NéoTerra propose de passer de l’amélioration lente et continue à de vraies ruptures significatives. Il faut se détourner nous dit-on de l’optimisation de l’efficience pour engager de profondes transformations et changer de modèles.

Pour cela des objectifs de rupture sont clairement affichés. Certains accessibles aisément :

  • 80% des exploitations certifiées Bio ou HVE

D’autres bien plus difficilement, voire probablement jamais :

  • 30% des exploitations agricoles qui commercialisent leurs productions en circuit courts.
  • Diminution de 80% des produits phytosanitaires de synthèse à horizon 2030 en attente d’un abandon intégral de ces substances le plus rapidement possible.
  • Diminution de 30% de la consommation d’eau pour l’agriculture en période d’étiage.
  • 30% de moins de consommation d’énergie pour l’agriculture et la pêche en période d’étiage.

Tout cela doit avoir lieu en améliorant l’efficacité pollinique, en restant la première économie agricole européenne et en faisant des terres un atout pour le stockage de carbone avec l’objectif d’en faire  un bilan carbone positif.

Chacun sait que pour conduire le changement dans une organisation quelle qu’elle soit, il faut à la fois fixer et faire partager l’objectif à atteindre, offrir la formation adaptée et nécessairement aussi visser progressivement la contrainte. Tout cela doit être fait dans un même temps. En cas de déséquilibre entre l’un ou l’autre des paramètres, l’individu entre en résistance contre le changement proposé.

C’est évidement l’écueil principal de cette feuille de route pour l’agriculture. L’objectif fixé en termes d’eau, de pesticides ou d’énergie à horizon de 2030 est clairement perçu par les agriculteurs comme étant hors de portée. On court alors le risque de provoquer à très court terme les effets inverses à ceux qui sont recherchés.

Ces perspectives en étant perçues comme impossibles démotivent les jeunes à l’installation et c’est donc l’agrandissement des exploitations qui est programmé avec la transformation des systèmes existants vers une simplification des cultures. Autant dire, l’inverse de ce qui est souhaité.

Ces objectifs radicaux nécessitent donc d’aller bien au-delà des soutiens aux leviers utilisés habituellement pour obtenir des changements en agriculture. Il ne suffit plus de motiver et de stimuler les réseaux de fermes Dephy, les stations d’expérimentation ou les organismes de formation et de développement.

Ce niveau de rupture affiché nécessite d’être incarné par des exploitations témoins de dimension économiques comparables au secteur de la filière concerné. Il faut que les scientifiques, les écologues et les agronomes qui s’expriment aujourd’hui pour valider ces ruptures ambitieuses constituent des comités scientifiques et techniques de pilotage de ces fermes. C’est à la rémunération complète de ces savoir-faire appliqués que les financements régionaux doivent être consacrés.

Les exploitations pilotes qui mettront en œuvre les changements de modèle et les transformations agro écologiques profondes de l’agriculture seront si possible sous maîtrise d’ouvrage régionale, dans le champ concurrentiel évidemment, mais sous la conduite éclairée et interdisciplinaire des scientifiques compétents.

C’est en montrant concrètement sur des fermes comment réussir agronomiquement et économiquement cette nouvelle agriculture pour chacune des productions de Nouvelle Aquitaine que les agriculteurs convaincus par l’exemple engageront en profondeur les changements attendus et en premier lieu le renoncement aux pesticides.

Il est très urgent de permettre à ceux qui connaissent les moyens de réussir ces transformations de les mettre concrètement en  œuvre sur le terrain.

N’oublions pas que pour l’instant les filières agricoles s’affaiblissent au fur et à mesure où les politiques agricoles incomprises se durcissent. L’an passé pour la première fois la balance commerciale agricole de la France avec les autres pays européens est devenue négative et les importations intra européennes ont bondi de 25%. Paradoxalement, plus on vante le local, les circuits courts et le bio et plus la part de la nourriture importée augmente dans nos assiettes

A l’heure où les accords du Mercosur vont encore amplifier la perte de compétitivité de la ferme France, déjà malheureusement bien engagée à ce jour, Il est urgent de justifier les objectifs fixés par cette feuille de route NéoTerra par des exemples sur le terrain de mise en œuvre crédibles et économiquement comparables.

Il ne faudrait pas que NéoTerra par des objectifs par trop incohérents soit une utopie de plus qui tourne à la catastrophe pour avoir cru qu’il fallait annoncer un objectif extrême pour que des solutions inconnues à ce jour apparaissent enfin.

Le contrat de confiance que la région Nouvelle Aquitaine souhaite passer avec les agriculteurs, compte tenu des objectifs affichés, nécessite des démonstrations concrètes et systémiques de la voie à suivre sur le terrain. En agronomie et en économie aussi il faut des preuves pour faire naître la confiance.