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Rapport sur la société d'économie mixte Compagnie d'aménagement des coteaux de Gascogne - Arnaud Tauzin

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Monsieur le Président,

Permettez-moi une remarque préalable qui a son importance.

Dans le commentaire introductif, en page 2 de la délibération il est précisé que « la Région Nouvelle-Aquitaine (…) s’est fortement engagée pour accompagner la CACG dans son redressement », comme si elle n’était en rien responsable de la situation financière critique de ce syndicat ! C’est une manière fort étrange pour ne pas dire tronquée de présenter la situation et les responsabilités de chacun !

En effet, il est important de rappeler que non seulement la Région Nouvelle Aquitaine est actionnaire de ce syndicat, mais c’est même un des élus de la majorité socialiste actuelle, notre collègue Pierre CHERET, qui en est le président du conseil d’administration.

Notre collègue Pierre Chéret s’est exprimé ce matin sur l’égalité Femme-Homme et il se tait sur le rapport de la Chambre Régionale des Comptes sur la société d’économie mixte Compagnie d’aménagement des coteaux de Gascogne alors qu’il en est le président du conseil d’administration ? Et ce depuis de nombreuses années.

Il est important d’avoir tout ceci à l’esprit avant de rentrer dans le contenu du rapport.

Qu’est ce que ce rapport nous apprend au sujet de la gestion des deniers publics par la Compagnie d’aménagement des coteaux de Gascogne ?

En page 5 la chambre régionale des comptes dresse un constat général sévère sur la gestion de la CACG :

« Cette dégradation de la situation financière résulte (…) des dépenses dans le cadre du plan stratégique de la CACG (…) applicable à partir de 2017 ». « La hausse de la masse salariale pèse sur sa capacité d’autofinancement »

« Le plan stratégique s’avère déconnecté des capacités financières de la CACG. IL repose sur des hypothèses prospectives non étayées, comme la tarification de l’eau « environnementale » alimentant les milieux aquatiques.

Nous apprenons avec stupéfactions qu’une structure de 196 salariés, dont une part très importante de cadres supérieurs, ne dispose pas d’une comptabilité analytique !

Une extension des missions et du périmètre d’intervention non maîtrisée :

La compagnie gère 15 barrages de concession d’Etat, 65 barrages pour le compte des département, syndicats mixtes, ASA et de l’institution Adour, sous la forme de DSP ou affermage.

La CACG s’est peu à peu éloignée de cette mission première d’intérêt général :

  1. Par des activités marchandes de vente d’équipement de matériels d’irrigation, sur un secteur d’activité où elle est en concurrence avec des entreprises privées
  2. La CACG a quitté son périmètre d’intervention du bassin Adour-Garonne pour intervenir en Vendée, dans le marais poitevin, ainsi qu’à l’étranger.

Force est de constater qu’il s’agit dans les 2 cas d’un échec économique :

Sur la vente de matériel, la description de la gestion du programme de compteurs communicant est accablante :

  • Achat de 4600 compteurs dont 1100 compteurs défectueux : pertes financières pour la CACG de 120 000 €. Une 2ème commande a été passé en mars 2019 dans le cadre d’un accord commercial. Et nous découvrons que sur les 4000 compteurs commandés, des pannes ont également été détectées sur cette nouvelle commande.
  • En conséquence la CRC conclut en page 36 que « La compagnie a pris des risques importants sur ce programme, générant des pertes financières. La montée en charge de ce projet a été rapide dans un domaine pourtant expérimental ».

Le rapport de la CRC fait également le point sur les derniers dossiers dont plusieurs hors périmètre Adour Garonne :

  • Le réservoir du col du Four sur le Touyre (Ariège) qui a engendré 2 millions d’€ de charge pour la CACG
  • La réhabilitation des installations de la Vère -> déficit de 364 k€
  • Aménagement du barrage de Païcherou à Carcassonne, perte de 120 000 €. On apprend en page 23 du rapport que « la CACG n’a pas été en capacité de fournir le contrat d’exploitation-maintenance liant la filiale et le groupement. Elle reconnaît que ce contrat n’existe pas et assure de fait l’exploitation et la maintenance du barrage de Carcasonne ».

Nous apprenons également au travers du rapport en page 34 que « la compagnie intervient dans le grand ouest, via des réunions locales et des prestations d’ingénierie, afin de faire émerger des projets de territoire. Ces ateliers des territoires constituent des prestations gratuites sans convention (…) ce qui a entrainé 100 k€ de pertes pour la SEM.

Tout repose sur l’espoir de facturer aux EPCI l’eau servant au maintien des niveau d’étiage.

Mais il convient de rappeler que depuis les années 90 cette règle existe, ce n’est pas nouveau. C’était déjà en vigueur lorsque les réseaux collectifs d’irrigation ont été créés dans les années 80 – 90, et que ce paramètre était pris en compte dans la facturation au monde agricole, qui au travers de l’irrigation a permis de garantir les niveaux d’étiage, faut-il le rappeler.

Il est à plusieurs reprise évoqué cet espoir de facturer aux collectivités les 60% d’eau permettant de garantir les niveaux d’étiage. Or c’est très hypothétique. Aucune démarche n’a été véritablement entrepris et il n’existe aucun cadre règlementaire le rendant obligatoire.

On voit là un des défauts récurrents des structures publiques, accro à la dépense, ayant un penchant naturel à toujours dépenser plus, y compris lorsque la demande se contracte.

En page 30 du rapport la CRC diagnostique clairement que la clientèle agricole a peu de perspectives de croissance (les prix de l’eau d’irrigation collective ne pouvant augmenter car l’irrigation individuelle semblant plus rentable aujourd’hui) et que l’alimentation en eau potable offre peu de perspectives de développement.

Il faut accepter l’idée que les perspectives de croissance sont faibles et ajuster les charges de structure à cette donnée et réduire les coûts pour assurer la pérennité de la structure.

Au lieu de vouloir facturer une taxe au travers de GEMAPI aux collectivités locales, la CACG ferait mieux de réduire ses coûts.

Les agents de la compagnie sont, et la CRC le rappelle, des salariés de droit privé, en CDD ou CDI. Rien ne s’oppose à une réduction drastique et nécessaire de la masse salariale à proportion des recettes actuelles.

Nous pensons donc qu’un tout autre plan de redressement s’impose. Il est urgent de revenir à la mission première du syndicat : optimiser l’usage des ressources en eau, avec notamment la gestion d’ouvrages hydraulique.

Pourquoi dès lors la Région Nouvelle Aquitaine a-t-elle votée le 17 juillet 2020 une avance en comptes courants d’associés d’un montant de 1,3 millions d’euros ?

Dans sa synthèse, page 5, « la chambre recommande de procéder rapidement à une augmentation de capital, indispensable à la viabilité de la société. Certains acteurs locaux, pourtant centraux dans la gestion de l’eau, sont absent de l’actionnariat (…) notamment l’Institution Adour ».

Les départements ont 58,37% du capital social, la région Occitanie 7,10%... et la région Nouvelle Aquitaine 2,93% !

Alors pourquoi la Région qui a moins de 3% du capital finance 43% de l’effort financier cet été ?

Pourquoi les 2 actionnaires principaux, le département de la Haute Garonne, suivi de celui du Gers, n’ont-ils pas été mis à contribution ? Ce d’autant plus que l’on apprend par le courrier de Philippe Martin du 18 juin que le département du « Gers, le moment venu, prendra toute sa part dans ce processus de sauvetage ».

La région Occitanie regroupe 90% des ouvrages concessifs.

Il est regrettable que ce rapport ne nous ait pas été transmis avant le vote en juillet de 1,3 millions d’€ d’avance de trésorerie dont on comprend aujourd’hui que ce seront 1,3 millions d’€ de subvention, de perte et profit pour la région Nouvelle Aquitaine.

Et ce alors que les observations provisoires ont été transmises il y a plus d’un an et que les observations définitives ont été arrêtées par la chambre régionale des comptes le 8 avril 2020.

Il aurait fallu faire les choses dans l’ordre : présenter à notre assemblée ce rapport, puis adopter la contribution financière de la région qui aurait dû être minime, basée sur son poids dans le capital laissant l’effort principal aux territoires les plus impliqués (départements et région d’Occitanie), incluant les départements hors Sud Ouest (Vendée…).