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Feuille de route internationale 2019-2021 - Pierre Durand

( voir la vidéo )

 « Monsieur le Président, chers Collègues,

La feuille de route sur les actions extérieures de notre Région pour la période de 2019 à 2021 qui est soumise aujourd’hui à notre vote représente il faut bien le reconnaître une avancée, tant la stratégie de la Nouvelle Aquitaine en matière d’actions externes est jusqu’à présent insuffisamment précise quant aux objectifs poursuivis.

Il y a une certaine inconsistance par absence de méthode, de lisibilité et surtout par manque de coordination entre les différents acteurs agissant dans ce domaine.

Disons qu’on y voit un peu plus clair sur les actions à mener, mais notre groupe LR/CPNT tient à réitérer 2 remarques principales déjà exprimées à plusieurs reprises par certains d’entre nous, au cours des réunions en Commissions, en GIA ou encore au sein de la CCRCI.

Nous ne vous faisons pas le reproche de ne pas nous avoir concerté, mais bien celui de ne pas nous avoir écouté à ce jour ;

Ainsi,

  • la notion de « diplomatie » de la Nouvelle Aquitaine souvent reprise dans la feuille de route nous apparaît inappropriée pour ne pas dire présomptueuse en donnant à l’action de la Région, une importance, une solennité excessive voire déplacée. Plus encore, si l’on se place sur le terrain juridique, elle ne nous paraît pas conforme à la Constitution française.

Choisir le terme de « diplomatie », c’est en effet porter atteinte au texte fondateur de 1958 en vertu duquel le Président de la République est le chef de la diplomatie française ! Plus précisément, c’est se placer sur le terrain des compétences régaliennes. C’est empiéter sur ce qu’on appelle le « domaine réservé » du Président de la République dont découle, je le rappelle, des attributions précises fixées par la Constitution : l’article 5, qui fait du Président le « garant du respect des traités » ou encore l’article 14 qui prévoit, là encore, que c’est le Président qui accrédite les ambassadeurs français à l’étranger et que les ambassadeurs étrangers sont accrédités auprès de lui.

Un exemple malheureux nous a placé, il y a peu, en situation de porte à faux. La subvention de 50 000 € au soutien de l’association SOS Méditerranée ayant affrété l’Aquarius décrétée en novembre 2018, soit- disant dans une situation d’urgence 5 mois après les faits, est allée à l’encontre de la position de l’Etat français, lequel a refusé à ce bateau d’accoster dans le port de Marseille. Et que dire de l’usage de cette subvention alors que l’association a depuis cessé toute activité.

En rappelant cet épisode, je ne veux pas ouvrir de nouveau le débat sur l’accueil des migrants par notre pays mais simplement pointer du doigt une décision de la Région en contradiction avec celle de l’Etat français sur un terrain où nous ne sommes pas légitimes à intervenir.

Devons-nous étaler nos divisions dans un domaine où la France pour être entendue et respectée dans le monde doit impérativement parler d’une seule voix ? Nous ne le pensons pas.

Et comment ne pas relever votre propre contradiction quand vous affirmez avoir pour objectif de « donner plus de cohérence, de mieux coordonner notre action avec celles des autres acteurs de la Nouvelle Aquitaine, à commencer par les collectivités territoriales » et que dans le même temps, vous prenez le risque de créer une plus grande confusion en décrétant une diplomatie parallèle à celle de l’Etat ? Expliquez-nous où est la recherche de clarté ?

Nous sommes pleinement conscients de l’importance de la contribution des collectivités territoriales à l’action internationale de la France, et nous y souscrivons pleinement parce que nous y croyons. Mais contribuer ne veut pas dire concurrencer ! C’est pourquoi nous n’adhérons pas à cette notion de diplomatie régionale et nous vous demandons encore une fois de l’abandonner au profit d’une autre formule mettant plutôt en avant, la valeur ajoutée qui peut être la notre. Nous vous proposons, à cet effet, de retenir la formule de « mission extérieure » ou encore celle de « l’action extérieure » de la Nouvelle Aquitaine, cette dernière étant d’ailleurs celle du Ministère des Affaires Etrangères. 

  • La Francophonie, que vous voulez « contribuer à renforcer » dans un effort louable que nous ne pouvons que soutenir mérite plus qu’une déclaration d’intention bien timide, alors qu’elle se voit fragilisée chaque jour d’avantage.

Une remarque qui pourrait paraître anecdotique mais qui est malgré tout assez révélatrice de votre manque de force de conviction. Nous avons vu passer très récemment une délibération actant d’une subvention à l’Association Aquitaine Culture pour le développement international alors que le projet présenté intitulé « Living Labs » utilise un anglicisme!

Oui bien sûr, la francophonie ne rassemble pas que des pays de langue française bien que les locuteurs de français soient largement majoritaires mais tout de même ! Soyons cohérent là aussi.

Il y a de quoi être préoccupé quant on sait que la langue de Molière glissera selon l’INSEAD (étude de Mai 2016) d’ici une trentaine d’année de la 3ème à la 4 ème place, détrônée par l’espagnol.

Sur 715 millions de locuteurs français que comptera la planète en 2050, 85% seront en Afrique. C’est donc sur ce continent que se jouera l’avenir du français car sa forte natalité promet de soutenir l’expression du français.

Une vraie bataille pour la langue française s’engage face à des pays puissants et plus agressifs pour parvenir à leur fin hégémonique.

Sur les sujets de francophonie et de diplomatie sportive par exemple, il est inquiétant de constater que les Jeux de la Francophonie devant normalement avoir lieu dans quelques mois, n’ont toujours pas trouvé d’organisateurs et plus préoccupant encore est de constater que les informations pour les JOP de Tokyo l’année prochaine seront affichées en temps réel en 4 langues : l’anglais, le coréen, le japonais et le chinois. Disparue la 1ère langue officielle du CIO, qu’est le français.

Dans ce contexte de globalisation, plus que jamais nos actions extérieures doivent être ciblées géographiquement vers les pays qui évoluent dans notre mouvance. Ils sont nos plus précieux alliés pour favoriser le rayonnement de notre langue et par conséquent de notre culture et de nos valeurs.

Pour conclure, nous devons nous interroger à chaque fois que nous accompagnons une action. Quelle est la réciprocité que nous sommes en droit d’attendre ? Je ne parle pas uniquement de ce que demandait en son temps à l’Europe Mme Tatcher avec sa fameuse formule : « I want my money back ! », mais de toutes ces réciprocités moins triviales qui enrichissent une politique de coopération et lui apporte son équilibre et sa noblesse.

Nous voterons contre cette délibération SAUF si vous renoncez expressement à cette notion de diplomatie régionale. »